La saisie était passée sous les radars médiatiques en début d’année. Accompagnés de quatre enfants, Claudya P. et Teddy L., deux Cayennais, ont été interpellés le 10 janvier à l’aéroport Félix-Eboué. Leurs bagages, enregistrés au nom de la jeune femme de 25 ans, contenaient 20,8 kg de cocaïne. Jugés en comparution immédiate, ils se sont vus infliger de lourdes peines de prison.
10 janvier 2023. Claudya P. et Teddy L., un couple Cayennais résidant dans l’Ille-et-Villaine en France hexagonale, se présentent à l’aéroport Félix-Eboué. Après un mois de « vacances » en Guyane, les deux jeunes parents âgés de 25 ans s’apprêtent à regagner leur domicile dans l’hexagone. Accompagnée de ses quatre enfants, dont un en commun avec Teddy, Claudya est « chargée » dans le hall de l’aéroport. La jeune femme a pris, à la dernière minute, un supplément bagages en soute. Quatre valises sont enregistrées à son nom. Un attirail qui n’interpelle pas seulement son conjoint : le chien des douanes marque clairement les différents bagages avant même que la famille n’ait eu le temps de s’enregistrer. En examinant les valises, les agents des douanes découvrent plusieurs pains de cocaïne, pesant un total de 20,8 kg. C’est, à l’heure à laquelle nous écrivons ces lignes, la saisie « record » de l’année 2023.
Les deux parents ne prendront pas l’avion ce jour-là. Placée en retenue douanière avant d’être auditionnée sous le régime de la garde-à-vue, Claudya, née à Cayenne en juillet 1997, reconnaît les faits qui lui sont reprochés. Elle endosse la responsabilité du transport et de l’acquisition. Également auditionné, Teddy nie toute implication. Son passif judiciaire ne plaide pas en sa faveur : en 2021, il a été condamné par le tribunal correctionnel pour trafic de stupéfiants (également de la cocaïne) à sept mois d’emprisonnement. Sorti sous liberté-conditionnelle, ce bénéficiaire du RSA envisageait, selon ses dires, de devenir chauffeur-livreur.
C’est l’audition d’une amie proche de Claudya qui permettra aux enquêteurs de corroborer cette première « trame ». Claudya aurait dit à ce témoin que Teddy, avant de prendre l’avion depuis l’hexagone, voulait avaler des ovules, mais qu’il s’était ravisé en raison du « risque de contrôle ». Tous les soupçons pesaient donc sur Claudya, notamment en raison du coûteux voyage qu’elle avait payé pour elle et ses quatre enfants. Ses seuls revenus, les minimas sociaux, ne « collent » pas avec son « train de vie ». Pour cause, la jeune femme, qui habite en France hexagonale depuis ses 16 ans, avait déjà fait un aller-retour en direction de la Guyane en juillet-août 2022.
Valeur marchande : 864 860 euros
« Est-ce que vous avez déjà fait un transport, Madame ? » questionne Garance Journet, présidente de l’audience des comparutions immédiate du 3 mars, dans laquelle les deux prévenus étaient convoqués. « Non », répond sèchement la jeune fille, en détention provisoire depuis le 13 janvier 2023. « Supposons que Monsieur ait 1800 euros, et que vous payez les billets en plusieurs fois. Comment faites-vous ? On parle de la période de Noël, les billets sont très chers à cette période… » poursuit la présidente d’audience, rappelant, en citant la procédure, que Claudya avait transporté de la drogue (incorporée) lors de ce premier voyage, en échange 9 000 euros. Pour ce deuxième voyage, la jeune mère de famille devait toucher 60 000 euros. Selon les estimations des douanes, le prix à la revente des 20,8 kgs de cocaïne grimpe à 834 860 euros outre-Atlantique.
« Sur les trois dernières années, c’est une des quantités les plus importantes qui a été saisie. » souligne la représentante du ministère public. Pour le parquet, Claudya « porte le chapeau » conformément à « un scénario établi ». Et d’ajouter : « le cortège n’avait pas forcément l’aspect d’un groupe qui transporte des stupéfiants ». Ce qui était censé détourner l’attention n’a pourtant qu’échoué.
Me Akim El Allaoui, qui défend Claudya, retoque l’idée de faire de ce procès celui de « la saisie record de 2023 ». Selon l’avocat, les profils des deux prévenus sont dans la droite lignée de ceux qu’on peut croiser à chaque séance, lors des comparutions immédiates au tribunal correctionnel.
« Les têtes de réseau sont très bien cachées »
« La mule porte bien son nom, c’est un animal que l’on pense bête parce qu’il se déplace d’un point A à un point B. Quelqu’un qui prend tous les risques parce que la valeur du produit, acheté 2000 euros à Albina, est multipliée par 40 dans l’hexagone. C’est la mule qui prend tous les risques, mais ce n’est pas elle qui va bénéficier de cette valeur démultipliée. Les trafiquants et les têtes de réseau sont très bien cachés et savent prendre des précautions. » souligne Me El Allaoui. Pour la robe noire, la personnalité de Claudya a tout l’air de celle d’une personne vulnérable : « le profil des mules est souvent le même, une trajectoire de vie cabossée, des carences affectives, une pression familiale… ». À seulement 16 ans, Claudya a quitté la Guyane, seule, pour retrouver son père, qu’elle ne connaissait pas. Au passage à l’âge adulte, elle a été victime de violences conjugales. Ses quatre enfants sont nés de trois pères distincts.
Le dernier, Teddy, celui avec qui elle reconnaît mener une vie saine, la décrit à la barre comme une « femme héroïque ». Sans revenus stables, elle se « bat pour ses enfants » assure-t-il aux juges. Le jeune homme fait lui aussi état d’un parcours « pas totalement construit », rappelle sa défense en la personne de Me Jérémie Stanislas. Outre ce premier point, l’avocat a plaidé la non-culpabilité de son client, Teddy ayant maintenu au cours des auditions qu’il n’était pas au courant. « J’ai failli faire le transport, mais je ne l’ai pas fait. Ma conscience m’a dit de ne pas le faire. J’ai été choqué de voir que ma copine avait de la cocaïne. » disait-il aux enquêteurs.
Après délibéré, le tribunal a suivi de près les réquisitions du parquet, condamnant Teddy à cinq ans de prison ferme avec maintien en détention. Claudya écope quant à elle de 3 ans de prison ferme avec maintien en détention. Les deux sont solidairement condamnés à payer une amende douanière de 278 287 euros.