Convoqué en justice pour avoir tiré avec une arme à feu en direction d’un homme avec qui il avait eu une altercation au Moonlight en août 2022, un jeune homme, présent à l’audience, a mis les voiles ce mardi avant l’annonce de la peine de quatre ans d’emprisonnement fermes prononcée à son encontre au tribunal judiciaire du Larivot. Un mandat d’arrêt a été décerné.
« Il est où le monsieur ? ». « Il est parti ». Mardi 16 mai au soir, il est environ 21 h 50 lorsque les magistrats de l’audience des comparutions immédiates se rendent compte qu’un prévenu a tout simplement quitté le tribunal pendant le délibéré. Le jeune homme de 24 ans, chemise blanche et cheveux frisés attachés, a été condamné, en son absence, à 4 ans d’emprisonnement fermes pour avoir tiré dans le pied d’un homme avec qui il aurait eu une altercation, devant le Moonlight puis à la cité Zéphir, dans la nuit du 24 au 25 août 2022.
Une première décision judiciaire dans une affaire qui a fait l’objet de « six ou sept renvois », selon Me Khiter, avocat de la défense. La robe noire a longuement plaidé l’absence d’éléments de preuve accablants permettant d’identifier son client comme étant l’auteur des tirs.
« Tirs en rafale » dans la cité Zéphir
Dans la nuit du 24 au 25 août 2022, aux alentours de 3 h du matin, deux alertes « concomitantes » sont transmises à la police nationale. Des coups de feu ont été entendus au niveau de la boîte de nuit Le Moonlight et à proximité de la cité Zéphir voisine (à environ 1 km). Les forces de l’ordre interviennent dans la cité Cayennaise et découvrent un jeune homme, allongé au sol et entouré de personnes « très agitées ».
À quelques mètres, une Peugeot 208 blanche fait état des stigmates de plusieurs tirs par arme à feu : la vitre côté passager est brisée, le pneu avant-gauche est crevé et des impacts de balles sont présents sur le capot du véhicule. Le jeune homme d’une vingtaine d’années se trouvait à l’avant de l’habitacle, côté passager, lorsqu’il a été touché par deux balles au niveau du pied.
Le véhicule duquel l’auteur des tirs serait descendu, armé, obstruait le passage et empêchait toute sortie. Un face-à-face, digne d’une scène de guerre s’en est suivi. Le conducteur du véhicule touché, qui est le frère de la victime, décrit lors de ses auditions « des tirs en rafale ». L’assaillant aurait tiré dans un premier temps face à la Peugeot 208 blanche, avant de s’approcher et de manquer de briser la vitre côté passager à coups de crosse. « Il [le jeune homme blessé au pied] a été touché aux jambes seulement, car il a reculé son siège au moment où le tireur s’est approché du véhicule » raconte ce premier témoin, épargné par les tirs.
L’altercation entre l’homme touché par les tirs et « l’assaillant » avait débuté dans la boîte de nuit. Le premier avait eu une franche opposition avec le frère du second, qui l’aurait menacé à l’issue, sur le parking. Une dispute qui a été mise en branle « pour une raison obscure », en lien « avec une fille qui aurait été draguée ou approchée » selon le rappel des faits proposé par les juges. Une bagarre a débuté entre deux groupes, et plusieurs des protagonistes, qui ont eu maille à partir, ont été expulsés par les agents de sécurité. Des verres éclatés et des traces de sang ont été découverts devant l’établissement.
« Trahi » par son frère
« Mon frère est assez spécial, c’est un mec qui est capable de faire passer les étrangers avant la famille, il est un peu fou » témoigne promptement le prévenu à la barre de l’audience des comparutions immédiates ce mardi 16 mai. Auditionné, son frère a décrit une histoire « qui correspond sur plein de points » aux faits, lui répond un magistrat. En somme, une altercation dans la discothèque suivie de trois coups de feu distincts.
Recherché, le suspect était localisé « en temps réel » par le biais de son téléphone. Il a finalement été interpellé un mois et demi après les faits, le 12 octobre, date à laquelle il s’est présenté devant le bureau du juge d’application des peines du tribunal du Larivot dans le cadre d’une convocation. Le jeune homme de 24 ans avait été condamné en 2021 par le tribunal correctionnel de Paris à 3 ans de prison pour des faits de transport, blanchiment, offre ou cession de stupéfiants. La moitié de cette peine était aménageable.
Placé sous contrôle judiciaire depuis, il travaillait dans une exploitation agricole de Sinnamary, en tant qu’ouvrier polyvalent, pour un salaire fluctuant autour de 1500 euros nets.
Le prévenu met les voiles pendant le délibéré des juges
Le jeune homme aurait dans un premier temps été confondu sur les réseaux sociaux. Il posait, sur plusieurs clips de rap, muni d’armes, factices à ses dires. La victime des deux tirs, un jeune d’une vingtaine d’année, est formelle à l’audience : « Je l’avais vu en face de moi au Moonlight, après, je l’ai revu au parking. » Sur des planches photographiques présentées à des témoins, le prévenu a parallèlement été désigné comme étant le tireur.
Plusieurs zones d’ombre ont cependant été pointées du doigt par l’avocat de la défense, Me Khiter. Sur la forme, d’abord. « Cette procédure n’a rien à faire en comparution immédiate », clame l’avocat. Puis sur le fond d’un dossier qui aurait « dû faire l’objet d’une instruction » selon la robe noire. « Le véhicule endommagé par les tirs d’arme à feu a été restitué au lendemain des faits. Impossible d’y récupérer des preuves fiables qui auraient permis une traçabilité ». Une décision critiquable du magistrat instructeur, souligne l’avocat, qui estime que « les déclarations des témoins ne valent rien sur le terrain de la preuve ». Le supplément d’information réclamé par la défense et sujet des nombreux reports a « seulement apporté une vidéo illisible » rajoute-t-il.
Après dénonciation par l’avocat de la partie civile de l’attitude « sur la défensive » du prévenu, le parquet a requis une peine de 4 ans d’emprisonnement ferme dans cette affaire « qui empeste la testostérone » d’après le ministère public. Quantum annoncé strico sensu par la vice-présidente du tribunal correctionnel, présidente de l’audience des comparutions immédiates ce mardi 16 mai. Présent à l’appel de la cause, le prévenu était absent lorsque le délibéré a été rendu.