Le chauffard ayant percuté un véhicule de la Bac de nuit de Cayenne, blessant quatre agents, répondait de ses actes le vendredi 10 mars devant le tribunal correctionnel. Un des passagers de l’Audi à l’origine de l’accident qui s’est produit sur le Boulevard Nelson Mandela était également derrière la barre.
Cayenne, by night. Dans la nuit du vendredi 3 mars au samedi 4 mars, un véhicule a percuté, à toute vitesse, une voiture banalisée de la Police Nationale. Quelques secondes avant l’accident, les quatre agents de la brigade anticriminalité (BAC) de nuit de Cayenne avaient été avertis d’une série de coups de feu entre Pizza 13 et le Gwayana (rue Devèze). Il s’avère que les policiers se rendaient sur les lieux lorsque le véhicule (à droite sur la photo) est entré en collision avec leur voiture, au croisement entre la rue du lieutenant Becker et le Boulevard Nelson Mandela.
5 jours d’ITT pour deux policiers
« Il y a des risques dans notre métier, mais on ne s’attendait pas à ça. On a eu beaucoup de chance d’avoir du bon matériel. » témoigne un des quatre agents blessés à la barre de l’audience des comparutions immédiates ce vendredi. L’ Audi s’est enfoncée dans le flanc gauche, côté conducteur, du Dacia Duster de la Police Nationale. Fort heureusement, les airbags latéraux du véhicule des policers se sont déclenchés, évitant de graves blessures aux quatre agents dans l’habitacle. Deux d’entre eux, le conducteur et le passager arrière (chef de bord), se sont vus prescrire 5 jours d’ITT.
Sur les lieux de l’accident, qui s’est produit peu avant 4 h du matin, les « 4 ou 5 personnes » présentes à l’intérieur du véhicule ont décampé tout juste après la collision en réalisant que les occupants du Duster étaient des policiers. Mais quelques minutes plus tard, deux personnes, des jeunes hommes, sont revenus sur les lieux. « Ils insistaient pour récupérer ce qu’il y avait dans le véhicule. » précise un policier au juge et ses deux assesseurs. Dans l’habitacle, un revolver approvisionné de trois munitions et un Glock, sous le siège côté passager, ont été saisis. Les deux armes appartenaient, respectivement, à Erick F., 22 ans, conducteur du véhicule et un de ses passagers, Emerson Jonas A., 19 ans. Les deux ont été interpellés puis placés en garde à vue pendant 96 heures.
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Ils étaient présentés aux juges ce vendredi 10 mars dans le cadre de la procédure accélérée des comparutions immédiates. Le conducteur répondait de « blessures involontaires » avec deux circonstances aggravantes, « mise en danger de la vie d’autrui », et « transport sans motif légitime d’armes ». Erick F., primodélinquant, conduisait sans permis cette nuit-là, sous l’emprise de l’alcool. Il explique aux juges que « 5 à 10 gars » armés se trouvaient devant le Gwayana et ont tenté de voler ses chaines en or. Le jeune homme de 22 ans aurait alors tiré en l’air, à plusieurs reprises. Au moins trois détonations ont été entendues par les agents de la Bac de nuit en patrouille. À ses dires, peu avant l’accident, il était « stressé par ce qui s’était passé » et aurait accéléré sous la menace présumée de ces personnes qui auraient tenté de s’en prendre à lui avec une arme. Erick indique qu’il a acheté un revolver pour « ne pas se faire braquer » car il avait de l’or (natif) sur lui quand il descendait à Cayenne depuis le quartier Soula dans lequel il réside.
« Dossier fourre-tout »
Emerson Jonas A., également présenté aux juges ce vendredi, vit de jeux de cartes illégaux et de petits jobs. Détenteur d’une des armes trouvées dans le véhicule, il est, lui aussi, primodélinquant. Le jeune homme de 19 ans dit s’être rendu à cette soirée en possession d’une arme car il avait été informé que des personnes voulaient s’en prendre à Erick F.. Six jours après les faits, c’est justement cette présence d’armes dans le véhicule qui donne « une coloration toute autre au dossier » selon la substitut du procureur. « À Cayenne, en Guyane, les armes, il y en a à gauche, à droite, on tire comme ça… Ce n’est pas normal, on ne peut pas se faire justice à soi-même. » constate la parquetière.
Le ministère public a requis une peine de 18 mois d’emprisonnement dont six mois assortis d’un sursis probatoire pendant deux ans avec obligation de travailler et d’indemniser les victimes à l’encontre d’Erick F.. Une peine ferme pour des faits qui font « froid dans le dos », dans les mots de Me Stanislas, avocat des parties civiles. La robe noire dénonce « la désinvolture des prévenus » qui ne « se sont pas excusés à l’audience ». Me Legay, avocate de permanence en charge de la défense des deux prévenus, estime quant à elle qu’il faut exclure tout « raccourci » entre le comportement des prévenus et leurs passés, qu’elle reconnaît « ne pas maîtriser » en raison du temps court accordé aux avocats pour préparer ces dossiers [ceux des comparutions immédiates]. « On ne sait pas à quelle vitesse ils ont percuté le véhicule de Police. On ne peut pas faire des dossiers fourre-tout dans lesquels on est pris dans des faits graves sans prendre de recul. » souligne-t-elle.
Après délibéré, le tribunal a condamné Erick F. à une peine supérieure aux réquisitions du parquet. Erick F. écope de 24 mois d’emprisonnement dont six mois assortis d’un sursis probatoire pendant deux ans (avec obligation de travail et d’indemniser les victimes). Il est maintenu en détention. Son passager, Emerson Jonas A., est condamné à six mois de prison dont trois mois assortis d’un sursis simple.